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Les porteurs d'aube

  • Gilles DELEAUNE
  • 14 oct.
  • 4 min de lecture
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Il existe des êtres.

dont les silences pèsent plus lourd que mille paroles.

Des êtres qui se réveillent déjà fatigués

d'avoir rêvé trop fort.

 

Un simple regard de travers dans la rue

et voilà leur cœur qui saigne trois jours,

qui se demande encore :

Qu'ai-je fait de mal ?

 

Le vent les effleure

et ils frémissent jusqu'à l'os,

comme si le souffle portait toutes les peines du monde,

toutes les prières oubliées,

tous les cris étouffés dans les gorges.

 

Ils entendent ce que tu ne dis pas.

Ils voient tes larmes retenues

dans le pli de ton sourire.

Ils absorbent ta colère,

ta tristesse,

ton mensonge,

jusqu'à ne plus savoir

où tu finis,

où ils commencent.

 

Ils regardent le monde à travers un voile d'eau

leurs propres larmes mélangées

à celles de l'humanité tout entière.

La matière leur glisse entre les doigts :

trop dure quand elle blesse,

trop bruyante quand elle crie,

trop rapide quand elle oublie...

trop loin de cette vibration

qu'ils portent au creux du ventre

depuis le premier souffle.

 

Un film, une chanson, un parfum dans la rue,

et les voilà projetés quinze ans en arrière,

le cœur déchiré par une nostalgie

qui n'a pas de nom,

pas d'adresse,

pas de remède.

 

Ils ne savent pas pourquoi,

mais une mélancolie les habite

pas celle d'un lieu perdu,

mais d'un état d'être,

d'un monde fait de clarté fluide,

de musiques sans sons,

de présences qui comprennent

sans qu'il faille expliquer.

 

Ils cherchent leur tribu

dans les yeux des passants,

dans les livres,

dans les étoiles,

mais ne trouvent que des échos :

Toi aussi tu as mal ?

Toi aussi tu portes trop ?

*Toi aussi tu te sens

comme un alien déguisé en humain ?

 

Ils ne trouvent jamais tout à fait leur place...

non par orgueil,

mais parce qu'ils ont entendu une autre musique

dans l'enfance de l'âme,

une mélodie qui dit :

*Tu n'es pas d'ici,

tu n'es pas que cela,

tu es fait pour plus vaste.

 

Quelque chose les appelle,

depuis toujours,

depuis l'arrière-monde :

cette sensation d'avoir oublié

quelque chose d'essentiel

en naissant.

 

Une étoile tombée dans la poitrine,

qui brûle et qui réchauffe,

qui illumine et qui consume.

Un souvenir sans image,

une blessure faite de lumière

qui ne cicatrise jamais

tout à fait.

 

Ils portent la douleur des autres

comme une seconde peau.

Ton chagrin devient le leur.

Ta joie, ils la boivent

jusqu'à l'ivresse.

Ils aiment trop fort,

donnent trop,

pardonnent trop,

se vident trop.

 

Ils sentent ce que tu caches.

Ils touchent ce qui tremble

sous la peau des choses,

sous le masque des mots,

sous l'écorce des cœurs.

 

Ils portent en eux des paysages

que nul n'a foulés :

des océans de larmes non pleurées,

des forêts de mots non dits,

des montagnes de tendresse

inexprimée.

 

Et cette mémoire vive,

ce feu sous la cendre,

ce murmure dans le sang,

cette hypersensibilité qui fait mal

et qui fait beau

 

C'est peut-être cela...

le prix de ceux qui se souviennent

d'avoir été vastes,

d'avoir aimé l'infini,

d'avoir eu le cœur

grand comme l'univers

avant d'apprendre

qu'il fallait le rétrécir

pour tenir

dans ce monde trop petit.

 

 

Mais parfois,

dans le silence de la nuit

ou dans l'éclat d'un regard complice,

ils comprennent soudain :

 

Ils ne sont pas seuls.

 

Dans l'obscurité du monde,

ils sont des lumières incomprises,

des phares dispersés

qui cherchent leurs semblables

dans la brume des jours.

 

Et quand enfin ils découvrent

que ce feu qui les consume

n'est pas une malédiction

mais le souffle sacré de la Vie éternelle,

quand ils réalisent

que ce que les hommes leur renvoient

comme un défaut, une faiblesse,

est en vérité leur plus grande richesse

 

Alors quelque chose bascule.

 

Cette sensibilité qui les dévorait

devient leur force.

Cette empathie qui les vidait

devient leur don.

Cette intuition qui les isolait

devient leur sagesse.

 

Car ils sont les gardiens

de ce que le monde a oublié :

la tendresse vraie,

la beauté cachée,

l'amour sans condition,

la compassion infinie.

 

Ils sont les traducteurs

entre les âmes et les cœurs,

les pont entre les mondes,

les guérisseurs par leur seule présence.

 

Et lorsque deux de ces lumières

se reconnaissent enfin,

lorsque leurs flammes se touchent

sans se consumer,

lorsqu'elles découvrent

qu'elles parlent la même langue secrète

 

Alors naît une constellation.

 

Une à une,

elles se rassemblent,

ces étoiles terrestres,

formant dans l'ombre

une géométrie sacrée,

un réseau de lumière

qui irradie en silence.

 

Car ils sont venus

non pour souffrir en vain,

mais pour réveiller le monde

à sa propre beauté,

pour rappeler à l'humanité

qu'elle a une âme,

pour semer dans les cœurs endurcis

les graines de l'émerveillement.

 

Ils sont les porteurs de l'aube,

les annonciateurs d'un temps

où la sensibilité sera célébrée,

où l'empathie sera honorée,

où aimer trop fort

ne sera plus un crime

mais une bénédiction.

 

Dans leurs yeux brille

la promesse d'un monde

où il fait bon

être vaste.

 
 
 

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